Sophie regarde passer les lampadaires un à un à mesure que le taxi poursuit sa route.
Elle n'a fait qu'un téléphone au musée pour confirmer l'arrivée de la cargaison au port. Et un autre dans une boite vocale pour dire qu'elle était à Chicago.
Le chauffeur de taxi a bien tenté d'entretenir la conversation, mais Sophie ne l'a pas laissé placer un mot, racontant encore et encore son dégoût pour les manières rustres des marins pendant la traversée.
Quand finalement le taxi s'est stationné devant le centre de réhabilitation, le chauffeur n'était que plus heureux de s'occuper de la valise de Sophie.
Elle n'avait pas encore la main sur la portière qu'elle sentait déjà une présence toute proche. Le chauffeur est arrivé à ce moment pour lui ouvrir la portière et l'aider à sortir.
Sophie dépose un pied, puis l'autre, et sort du taxi. Instinctivement, elle tourne la tête légèrement vers la gauche et le voit, lui, au deuxième étage.
La sensation est assez spéciale. Elle n'a pas été aussi forte depuis sa dernière rencontre avec Cornelius. Cette pensée envers son sire la réconforte grandement.
Elle plonge ses yeux dans ceux de l'inconnu à la fenêtre et lui sourit. Elle lui fait gentiment un signe de la main.
"Je suis Sophie." Pense-t-elle simplement.
C'est en se retournant pour payer sa course que Sophie se rend compte que le taxi est déjà parti. Le chauffeur n'a même pas dit au-revoir.
Sophie prend donc son sac en bandoulière et sa valise et s'avance à l'entrée de l'immeuble, maugréant contre les marins rustres et les chauffeurs de taxis malpolis.
"Ah monsieur le gardien, vous pouvez m'aider. Vous n'avez pas idée du calvaire que j'ai vécu. Non mais. Vous imaginez vous, une jeune demoiselle comme moi, sur un bateau, dans l'atlantique, entourée de marins? J'vous raconte pas. Non mais. Les idées perverses qu'il peut y avoir dans la tête d'un marin, ça ferait frissonner une sirène. Et si ce n'était que ça. MAIS NON. Le premier taxi que je prends sur ce continent et le chauffeur se conduit comme un enculé. Non seulement il ne m'écoute pas, mais en en plus il essaie de me couper en me posant des questions sur la température. Mais qu'est ce que j'en ai à FOUTRE de la température moi. Je vais vous dire moi. RIEN. Rien du tout."
Sophie reprend son souffle et continue.
"Et en plus. Il me sort de son taxi avec mes bagages et part sans un mot. Mais qu'est-ce que je lui ai fait? Je veux dire. C'est étrange tout de même. Non? On a beau vouloir penser positif, on se sent un peu rejetée quelque part. Mais heureusement, je suis arrivé à destination et je vous ai trouvé, monsieur le gardien. Vous allez m'aider à me trouver un petit nid tranquille ici à Chicago. Je sais que vous allez être à mon écoute. "
Puis Sophie remarque les écouteurs pendants aux oreilles de Jefferson. Elle lui arrache le fil d'une oreille.
"Dites! Vous m'écoutez?"